jeudi 3 mai 2018

Oui, le Maroc peut réussir l’application des normes IFRS


Ces derniers jours, j’ai eu le plaisir et l’honneur d’être désigné rapporteur d’une thèse de doctorat qui a été soutenue dans les locaux du groupe ISCAE Casablanca (Maroc). Pour moi, c’était aussi l’occasion de découvrir des Professeurs d’un niveau intellectuel très fort et un cadre de recherche des plus agréables et encourageants. C’est Mr. Mhammed El Hamza qui a préparé cette thèse de doctorat qui a pour titre « la convergence du référentiel comptable marocain aux normes IFRS ».
La problématique de la thèse est bien construite et est pertinemment délimitée. A travers sa formulation, le lecteur peut saisir « la raison d’être » de la recherche doctorale. Mr. El Hamza a réussi à dresser des chronologies comptables spécifiques au contexte marocain en identifiant les différentes tentatives de normalisation comptable à travers le temps et de leur associer différents facteurs environnementaux qui les ont favorisés. L’auteur a, par ailleurs, passé à la présentation des IFRS et les avantages de leur application dans un contexte mondialisé. Ensuite, il a relativisé lesdits avantages en se référant aux cas des pays en développement (notamment la Tunisie et l’Algérie). Pour ces derniers, la réussite de l’application des normes comptables internationales est tributaire de plusieurs facteurs.


Sur le plan méthodologique, Mr El Hamza a opté, essentiellement, pour deux stratégies de vérification empirique.
Dans un premier temps, et afin d’analyser l’impact du passage aux normes IFRS, Mr. El Hamza a comparé les états financiers des groupes marocains cotés sur la bourse de Casablanca. Plus précisément, 5 indicateurs comptables ont été analysés en se référant à deux situations : mesure sur la base du CGNC (Code Général des Normes Comptables) et mesure sur la base des IFRS. Les 5 indicateurs comptables, décrivant la performance et la situation financière de 15 groupes marocains ayant appliqué les IFRS, sont : le résultat net, le goodwill, les capitaux propres, les immobilisations corporelles et les actifs financiers. La mesure a été effectuée pendant l’année du passage de la normalisation locale à la normalisation internationale. Dans ce cadre, l’auteur de la thèse a collecté les données de l’exercice N-1, déjà mesurées sur la base du CGNC et retraitées à l’occasion dudit passage (recommandation inscrite dans la norme IFRS 1). Statistiquement, les comparaisons ont été faites en se référant aux tests de comparaison des moyennes et des variances, à savoir (successivement) le test de Student et le test de Fisher-Snedecor. Ces deux tests sont en parfaite adéquation avec le fait que l’échantillon étudié correspond avec un nombre réduit de groupes de sociétés. Le recours à ces tests paramétriques est justifié par le fait que la distribution des données collectées suit une tendance normale (gaussienne).
A travers les résultats de cette première approche (analyse comparative des états financiers préparés selon le code local et les états financiers préparés selon les IFRS), Mr. El Hamza montre qu’il y a un impact significatif sur les chiffres comptables suite au passage aux normes IFRS.

Dans un deuxième temps, Mr. El Hamza a mené une investigation sur le terrain via une enquête par questionnaire. Cette enquête a pour objectif de répondre à plusieurs questions comme :
1. Quelles seraient les difficultés qui accompagneront le passage aux normes IFRS ?
2. Dans quelles mesures le recours aux IFRS serait bénéfique aux groupes d’entreprises marocains ?
3. Quels sont les facteurs qui favorisent le recours aux normes IFRS ?
4. Quelles sont les rubriques des états financiers qui seraient impactées par le passage aux normes IFRS ?

Mr. El Hamza dégage plusieurs résultats issus de l’enquête que j’estime pertinents et en accord avec l’objectif initial de la thèse. En effet, il a été démontré que le coût du passage aux normes IFRS constitue une principale difficulté souvent évoquée par les professionnels de la comptabilité au Maroc. Devant ce constat, docteur El Hamza estime que seuls les grands groupes de sociétés pourraient être en mesure de réussir ledit passage. Par ailleurs, les répondants confirment le poids des institutions internationales en ce qui concerne l’adoption des normes comptables internationales. Cette idée confirme une des dimensions de la théorie néo institutionnelle, à savoir l’isomorphisme coercitif. Par ailleurs, l’adoption des normes IFRS s’avère nécessaire vu que l’actuel Code Général de la Normalisation Comptable est perçu comme peu pertinent lorsqu’il s’agit de répondre aux besoins comptables des grands groupes cotés. Les autres résultats commentés par l’auteur semblent vérifier les autres dimensions de la théorie néo-institutionnelle, à savoir l’isomorphisme professionnel et l’isomorphisme mimétique.